mardi, mai 09, 2006

Relativité

Non, je ne vais pas vous parler d’Einstein, du moins pas directement. Je veux vous parler de ce qui me parait relatif.

Dimanche soir, je suis parti de chez mes parents au volant de ma nouvelle voiture flambante neuve. Il était un peu plus de 21h, le jour tombait, on était en plein dans ce moment joliment appelé « entre chiens et loups ». Il ne faisait pas tout à fait nuit donc et même pas nuit du tout puisqu’un énorme orage rugissait et envoyait toute sa colère sur terre au moyen de virulents éclairs qui maintenaient une clarté quasi permanente. J’aime beaucoup les orages, ils me fascinent souvent d’autant que je me sentais protégé confortablement installé dans l’habitacle de ma voiture. Dans cet instant un peu étrange, un peu suspendu, porté par la très belle chanson de Placebo « Pierrot the clown », je me suis surpris à éprouver un sentiment de bonheur. Ce fut un instant fugace mais agréable. Mais la réalité a vite repris le dessus et il a bien fallu se rendre à l’évidence : il s’agissait d’un bonheur tout relatif. Relatif parce qu’il se rapporte à une situation précise, à un moment précis, une sorte de bonheur conditionné par l’instant et non pas inscrit dans la durée. Un bref moment de bonheur au volant d’une voiture à 16.000 Eur … Je ne vous fais pas le calcul en euros par seconde, ce serait presque indécent.

Hier soir, sur France 2, en deuxième partie de soirée, il y avait « Mots croisés ». Deux sujets au programme : L’énergie et la fin du pétrole et l’affaire Clearstream. Voilà bien le plus bel exemple de relativité : d’un côté, le plus grand problème que nos civilisations modernes n’aient jamais eu à affronter, de l’autre, une pitoyable affaire politico-médiatique. Cela représentait très bien le degré d’inconscience dans lequel nous et nos représentants politiques vivons. Ce que la fin du pétrole représente n’est ni plus ni moins la fin de notre mode de vie autant qu’un risque quasi incontournable de guerre puisqu’il n’y aura pas de pétrole pour tout le monde. Tout ceci s’ajoute aux dégâts probablement irréversibles que nous avons occasionnés sur notre climat et qui produiront leurs effets en plein virage d’abandon du pétrole, dans 20 ou 30 ans. J’aurai alors la cinquantaine et il faudra que j’explique à mes enfants ou petits-enfants pourquoi nous avons détruit notre planète et pourquoi nous avons gaspillé les ressources. Je vous vois sourire derrière votre écran, je vous vois faire la moue en vous disant que ce sont des lieux communs. Certes. Mais y avez-vous bien pensé ? Avez-vous réfléchi à ce que sera un monde sans pétrole ? Vous en êtes bien sûr ? Connaissez-vous la différence entre une ère glaciaire et notre climat actuel ? 5°C. Quelle est la prévision médiane (pas la plus pessimiste !) d’augmentation de la température moyenne d’ici la fin de ce siècle ? 5°C. Vous êtes déjà allés au Sahel ? Moi non plus, mais d’ici 60 ans, il y a fort à parier que nous n’aurons pas à sortir de l’hexagone pour en avoir un aperçu grandeur nature.

Alors que Villepin ait voulu torpiller Sarko avec la complicité de Chirac sans en avertir MAM tout en y pensant le matin en se rasant ne m’intéresse pas même si « Mots croisés » y consacre autant de temps qu’aux problèmes d’énergie.

Parce que l’espèce humaine considère comme relativement plus important ce qui se passe aujourd’hui et dans un futur très proche que ce qui se passera dans un futur lointain, elle s’éteindra faute d’avoir su préserver son habitat, faute d’avoir su prévoir. Et cette extinction est peut-être relativement proche.

Nous sommes le mardi 9 mai 2006, Michaël Schumacher a remporté son 86ème grand-prix ce week-end, la vitesse de pointe de ma voiture est de 183km/h, ce qui n’a aucune importance puisque je ne roulerai probablement jamais à cette vitesse, je suis à deux petits doigts de présenter ma démission à mon employeur, deux enfants sont morts assassinés ce week-end, les lilas sont en fleur dans la Sarthe, dans trente jours s’ouvrira la coupe du monde de football, nous jouerons à l'Euro Millions vendredi... Où est-elle ?