lundi, novembre 07, 2005

Les banlieues brûlent

Depuis plusieurs jours les banlieues parisiennes (défavorisées pour l’essentiel) et maintenant certains quartiers de villes de province brûlent. Elles grondent, elles crient, elles vocifèrent, elles incendient. Sans concertation, probablement avec peu d’organisation, elles expriment ce qu’on appelle un « ras-le-bol » ou plus probablement un certain désespoir mêlé d’une envie de faire comme les autres, une sorte de cercle vicieux.
Les voitures brûlent, les gens parlent et les politiques s’agitent, trop tard bien entendu. Il est trop tôt pour parler sûrement, mais il est l’heure de poser les bases du lendemain.
Quelles leçons tirer de ces incidents ? D’abord, de but en blanc, que la politique de Nicolas Sarkozy est un échec. Un échec qu’il n’était pas difficile d’imaginer il y a 2 ans déjà lors de son premier passage au ministère de l’intérieur. Son engagement dans le tout-répressif montre ses limites au bout de 20 mois : la répression fait plaisir à une partie de l’électorat évidemment mais elle ne mène nulle part de toute évidence. Elle ne mène nulle part parce que comme le disait en substance François Mitterrand, la seule chose que voient les habitants des quartiers difficiles alors, ce sont les devoirs et les punitions sans jamais apercevoir les droits ou même l’espoir.
Mais ces émeutes (appelons un chat un chat) ne sont pas seulement l’échec de Sarkozy, loin s’en faut. C’est aussi l’échec de toutes les politiques sociales et d’intégration des trente dernières années. L’échec patent de notre gestion de l’immigration (issue essentiellement de nos anciennes colonies soit dit en passant), de cette immigration qui a nourrie les trente glorieuses. C’est un échec par ce que, comme d’habitude avec les politiques, la vision est à chaque fois à court terme. Voilà une magistrale leçon de développement durable : le développement durable, ça veut aussi dire qu’il ne faut pas s’enflammer (mauvaise blague) et réfléchir aux conséquences à (très) long terme de chaque décision. Voilà la principale limite de l’alternance démocratique (entendons-nous bien, la démocratie reste le meilleur système politique existant) : chaque élu pense aussi (et parfois surtout) à sa réélection et donc à obtenir des résultats rapides. Et tant pis pour ce qui se passera dans dix ans … Il en va de notre politique de parcage des populations immigrées dans les banlieues comme il en va de notre politique de l’environnement : des intentions, des actions cosmétiques et rien dans la réalité.

Alors saisissons cette terrible occasion pour remettre profondément en cause notre V° République, réformons très en profondeur notre démocratie, changeons la manière dont nous gouvernons (nous, le peuple) et dont nous sommes gouvernés. Arrêtons de faire de la politique une profession, une profession de gérontes déconnectés des réalités : limitons bien plus drastiquement les mandats, changeons les échéances de vote, limitons l’âge maximal pour accéder aux responsabilités. Nous, le peuple, devons aussi comprendre et intégrer qu’un pays ne se manœuvre pas en quelques mois mais en quelques années, qu’un quinquennat n’y suffit pas. Il faut accepter qu’à l’échelle d’un pays (et même à l’échelle de l’Europe) les choses avancent lentement, bien plus lentement que les hommes surtout. N’oublions pas que certaines décisions que nous prenons aujourd’hui résonneront pendant des décennies (voyez où nous mènent les décisions prises lors de la construction de ces banlieues). Votons non plus pour un homme capable de bien parlé, ne votons (surtout) plus pour exprimer un désaccord, votons pour des idées, des voies, bref, votons pour le fond du discours et pas pour la forme. Votons en pensant à nos enfants, à nos petits enfants.

Réformer la gouvernance de notre pays est une chose, reformer notre manière d’aborder la démocratie est une autre chose, mais il faut aussi réformer nos comportements parce que les fautes n’incombent pas qu’à nos gouvernants. La société capitaliste porte en son sein des dérives dangereuses auxquelles nous devons faire attention à chaque instant. Le libéralisme exacerbé qui nous gagne lentement nous pousse à devenir de plus en plus individualistes, c’est le monde du « chacun pour sa gueule ». Ce monde là court à sa perte bien sûr puisque à partir du moment où l’individualisme prend le dessus, on cesse de parler de société. Nous commençons non plus à vivre ensemble mais à vivre (sans se supporter d’ailleurs) les uns à côté des autres. Il est temps de réapprendre à vivre ensemble tout simplement.

De tout cela, malheureusement, je ne crois pas que nous soyons capables. Je sais, je démissionne bien rapidement. J’aurai 26 dans un mois et j’imagine déjà le pire pour mon pays (que j’aime profondément) et pour ma planète. C’est facile, j’en conviens, de jouer aux oiseaux de mauvaises augures, de dire ensuite « je vous l’avais dit ! » et de ne rien faire pour éviter les écueils. Je ne me sens pas la force tout simplement de porter ces idées plus loin que ce blog. C’est peu bien sûr, bien peu …